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« Sportwashing » : « Des Jeux trop gros, trop chers, trop puissants pour être parfaits » (David Roizen)

News Tank Sport - Paris - Tribune n°296519 - Publié le 31/07/2023 à 14:00
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©  D.R.
David Roizen (Fondation Jean-Jaurès) - ©  D.R.

Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 Jeux de la XXXIIIe Olympiade attribués à Paris (FRA) lors de la 131e session du CIO, à Lima (PÉR), le 13/09/2017 :
• Jeux Olympiques du vendredi 26/07 au dimanche 11/08/2024.
• Jeux Paralympiques du…
« ne peuvent pas être “parfaits” . Par nature plus que par volonté, Ils sont trop gros. Ils sont trop chers. Ils sont trop puissants », affirme David Roizen Expert associé @ Fondation Jean-Jaurès • Dirigeant @ Transmission (conseil en relations publiques et communication)
, spécialiste des politiques publiques sportives et expert associé au sein de la Fondation Jean-Jaurès, dans une note publiée par ce think tank sous le titre « Comment lutter contre le sportwashing ? » le 26/07/2023.

L’auteur y analyse donc ce phénomène du “sportwashing” , « procédé par lequel une entreprise, un pays, une collectivité ou quelque organisation que ce soit utilise le sport comme moyen d’améliorer sa réputation. »

« C’est devenu aujourd’hui une pratique largement répandue à laquelle semblent se prêter toutes les parties prenantes du sport, qu’elles soient privées, publiques ou même associatives », affirme David Roizen.

« Le COJO Paris 2024 Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. , les Pouvoirs publics, les collectivités territoriales, les acteurs privés ne sont pas des maléfiques experts qui attendaient la tenue des Jeux à Paris pour avancer leurs projets malfaisants. Au contraire, la plupart sont engagés dans une démarche sincère en faveur du sport et de ses valeurs. Mais c’est la nature même d’un événement d’une telle ampleur que de charrier son lot de désagréments - doux euphémisme », souligne-t-il toutefois.

Selon David Roizen, le CIO Comité International Olympique (International Olympic Committee, IOC) incite à la pratique du sportwashing à travers la notion d’héritage. « Car in fine, il s’agit bien d’utiliser un événement sportif pour autre chose que le sport », écrit-il, en relevant, par exemple, que « la fin du plastique à usage unique » n’a pas un lien direct évident avec les Jeux.

« Le principal héritage que l’on souhaite, c’est le développement de la pratique du sport », a répété Tony Estanguet Président du Comité d’organisation @ Paris 2024 - Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques • Membre @ International Olympic Committee (IOC / CIO Comité international olympique… , président de Paris 2024, le 26/07/2023, à un an tout juste de la cérémonie d’ouverture. Sans convaincre tout à fait David Roizen qui suggère plutôt de « repenser les Jeux olympiques, leur économie générale comme leur organisation », dans cette analyse qu’il a proposée à News Tank et qui est publiée ci-dessous intégralement.


Paris 2024 : « Leviers et conséquences du sportwashing » (D. Roizen)

David Roizen - ©  France Inter
Il y a un an, le 25/07/2022, le président de la République (Emmanuel Macron Président de la République @ Présidence de la République (Élysée)
) annonçait que la pratique sportive serait la « grande cause nationale » de 2024. Certains ont salué l’annonce du chef de l’État de profiter de l’organisation sur le territoire national des Jeux olympiques et paralympiques pour inciter au développement de l’activité physique. D’autres se sont demandé si ce « label » serait utile et si l’enjeu pour le sport était de procéder à des campagnes de générosité publique et de diffuser gratuitement des messages sur les chaînes publiques, puisque tel est souvent l’objet des grandes causes nationales. 

Pour autant, aucun ne s’est posé la question de savoir de quel sport il était question, considérant que ce vocable suffisait à lui-même et que la définition selon laquelle le sport est une « activité physique exercée dans le sens du jeu et de l’effort, et dont la pratique suppose un entraînement méthodique et le respect de règles » demeurait universelle et largement acceptée.

Le sport, un “fait social majeur”  »

Alors que d’autres sujets auraient pu être désignés « grande cause nationale », le sport a tout de suite fait l’unanimité, comme si rien aujourd’hui ne permettait de discuter de son exemplarité et qu’après le sida, l’autisme, la lutte contre les violences faites aux femmes, le sport était à privilégier. Toujours est-il que ce choix confirme le constat dressé par le Conseil d’État dès 2018 selon lequel le sport est « devenu un fait social majeur » et incarne « une morale et des valeurs collectives ».

Malgré les scandales, malgré les tricheries, malgré les trafics humains, malgré le dopage, malgré les violences, malgré la part prépondérante de l’argent et des technologies, le sport bénéfice d’une cape non pas d’invisibilité mais d’invincibilité ! Le sport est intouchable.

Rien qu’en France, la liste des « affaires » qui secouent le sport est longue comme le bras : elles affectent aussi bien le secteur professionnel qu’amateur et n’épargnent aucune discipline, comme le pointent régulièrement les médias.

Pour autant, dans les discours publics encensant le sport, il n’est question que des valeurs que l’UNESCO Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture. lui a largement attribuées : « l’équité, le travail d’équipe, l’égalité, la discipline, l’inclusion, la persévérance et le respect », parfois accompagnées d’autres qualités telles que l’humilité, la discipline, le contrôle de soi, la passion, la fraternité… N’en jetez plus !

Les inégalités entre sportifs, les discriminations, la fin de l’universalité de la pratique sportive, les outrances financières, peu importe : le sport est orné de toutes les vertus et rien ne peut remettre en cause son magistère.

Comme le pointait justement l’ancien directeur de l’ONG Organisation Non-Gouvernementale Play International, David Blough, ces valeurs sont « automatiques, intrinsèques et il suffirait de pratiquer le sport pour qu’il y ait des vertus pour l’ensemble de la société ».

« Le sportwashing n’est pas nouveau, mais il a pris une ampleur inédite ces dernières années »

Fort de ces attributs, le sport est aujourd’hui un objet politique. Cette méthode est bien connue, largement documentée et porte même un nom : le « sportwashing », procédé par lequel une entreprise, un pays, une collectivité ou quelque organisation que ce soit utilise le sport comme moyen d’améliorer sa réputation.

Ce phénomène n’est pas nouveau, mais il a pris une ampleur inédite ces dernières années, concomitamment au développement économique du secteur sportif et à sa part d’audience médiatique.

L’économie du sport, c’est un peu plus de 2,6 % du PIB en France, soit 64 milliards d’euros »

L’économie du sport, c’est plus de 2 % du PIB Produit Intérieur Brut mondial et un peu plus de 2,6 % du PIB, rien qu’en France, soit 64 milliards d’euros. C’est aussi un secteur en pleine croissance boosté par l’innovation, le développement de la consommation digitale, l’arrivée de nouvelles pratiques, l’expansion géographique, l’ouverture à de nouveaux publics et le soutien accru post-Covid-19 des politiques de prévention sanitaire.

L’audience médiatique du sport est encore plus importante : les événements sportifs tels que la Coupe du monde de football, le Tour de France ou les Jeux Olympiques sont les seuls à réunir de larges publics, à l’heure de la « morcellisation » de la consommation des médias.

Parce que la Grande-Bretagne a couronné un roi cette année (Charles III le 06/05/2023) et parce que 2023 n’est pas une année olympique ou de Coupe du monde de football, le sport ne trustera pas le Top 10 des audiences dans le monde. Mais c’est une exception. Il y avait plus de trois milliards de téléspectateurs lors des Jeux Olympiques de Tokyo (décalés de 2020 à 2021) ! Quel que soit le pays où l’audience est mesurée, l’événement sportif est le spectacle le plus suivi - et de très loin.

Comment ne pas attirer les acteurs en quête de légitimité, de respectabilité, de crédibilité et de reconnaissance quand le sport, activité si vertueuse, permet une telle exposition médiatique ?

Sportwashing caricatural avec l’Arabie saoudite ou TotalEnergies »

Bien entendu, le sportwashing est caricatural quand c’est l’Arabie saoudite qui propose d’organiser les Jeux asiatiques d’hiver ou quand TotalEnergies souhaite être partenaire des Jeux Olympiques de Paris, alors que ceux-ci se veulent le plus écoresponsable possible. Certes, ce n’est pas une nouveauté dans le monde sportif et il est légitime de citer les Jeux olympiques de 1936, organisés à Berlin, tout à la gloire d’Hitler, malgré le triomphe de Jesse Owens, ou la Coupe du monde de football de 1978, en promotion du régime dictatorial de Videla en Argentine. Néanmoins, c’est devenu aujourd’hui une pratique largement répandue à laquelle semblent se prêter toutes les parties prenantes du sport, qu’elles soient privées, publiques ou même associatives.

Les opposants forcenés des manifestations sportives rappelleront qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil et que les seules constantes dans la tenue des Jeux Olympiques, ce sont les déplacements de population et l’explosion des recettes des organisations sportives. L’ampleur et la diffusion du phénomène sont telles qu’il convient de s’interroger sur ses leviers et ses conséquences, et l’organisation de Paris 2024 en est, malheureusement, un bon exemple.

Les Jeux de Paris 2024, le plus grand événement jamais organisé en France depuis le début du XXIe siècle

Paris 2024 : durabilité et héritage - ©  Paris 2024
Avec 13,5 millions de spectateurs et quatre milliards de téléspectateurs attendus, près de 15 000 athlètes et 20 000 journalistes, les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 seront le plus grand événement jamais organisé en France, depuis le bicentenaire de la Révolution française en 1989 et la Coupe du monde de football en 1998.

Dotés d’un budget initial de 6,6 milliards d’euros en 2017, il a été revu à la hausse pour un total estimé à date de 8,8 Md€. C’est la manifestation la plus onéreuse, censée mobiliser largement : les acteurs sportifs, les élus locaux évidemment, mais même, par son ampleur, l’ensemble de la société.

De fait, pas un jour ne se passe sans que Paris 2024 ne fasse l’actualité. Massivement soutenus par la population, comme en attestent toutes les études d’opinion, les Jeux font l’objet d’une quasi-unanimité, même si les derniers soubresauts médiatiques ont quelque peu atténué leur image.

Emmanuel Macron, président de la République, le 14/03/2023 (à J - 500 de la cérémonie d’ouverture du 26/07/2024) - ©  FB
Il faut dire que ses laudateurs ne se privent pas pour en tresser les couronnes. Tout son écosystème est mobilisé pour en souligner les qualités, les bienfaits, les merveilles, se livrant de facto à un sportwashing qui a, d’ores et déjà, impacté l’événement et ne contribuera pas forcément au développement de la pratique sportive, contrairement à l’ambition annoncée. S’exprimant le 14/03/2023 devant les fonctionnaires mobilisés pour l’organisation de l’événement, c’est le président de la République qui a le mieux résumé cette démesure en indiquant que les Jeux à Paris allaient tout simplement transformer « nos vies ». Rien que ça !

Le président du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (CO Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques JO Jeux Olympiques P), Tony Estanguet, avait, dès juillet 2021, fixé l’ampleur de la mission de Paris 2024, indiquant que « la résonance universelle des Jeux en fait un levier d’opportunités exceptionnel qui peut contribuer à l’accélération de la transformation écologique et sociale en cours ».

« Paris 2024, accélérateur de projets connexes »

L’organisation des Jeux à Paris a été l’occasion pour de nombreux acteurs de se parer des vertus sportives pour avancer dans différents projets, que ceux-ci soient en lien direct ou pas avec l’événement ou la pratique sportive. La France, à la différence de tous ses prédécesseurs organisateurs des Jeux, n’a pas eu à se lancer dans un vaste plan d’infrastructures nouvelles pour accueillir les différentes compétitions, le pays étant largement équipé en la matière. Aussi, les Jeux ont été utilisés comme un accélérateur de projets connexes, rassemblés autour de la dénomination désormais sacralisée de l’héritage.

Baignade dans la Seine, héritage des Jeux de Paris 2024 - ©  Ville de Paris / J. Brueder
C’est l’État qui prend 170 mesures pour favoriser l’héritage des Jeux ; c’est la Ville de Paris qui lance « 10 transformations » ; c’est la Seine-Saint-Denis qui présente un « Livre blanc » afin que les Jeux réduisent la fracture territoriale ; c’est le COJOP qui propose un plan organisé en deux axes et structuré autour de six piliers… À croire que les Jeux ne seraient organisés que pour en assurer ledit héritage.

Intéressante notion que celle-ci. L’héritage d’un événement, c’est ce qui reste après la tenue de celui-ci. Ce concept a émergé dans l’Agenda 2020, initié par le Comité international olympique (CIO), après l’amer constat que de moins en moins de villes étaient candidates pour organiser les Jeux en raison de leur coût pharaonique et des « éléphants blancs », trop souvent abandonnés après l’événement.

Plutôt que de s’interroger pleinement sur des mesures qui pourraient véritablement inverser la donne et permettre aux Jeux Olympiques de garder de leur superbe, alors même que certains poussent depuis des années le débat en ce sens, le CIO a préféré, avec la complicité bienveillante et intéressée de tous ses partenaires, inciter à la pratique du sportwashing à travers cette notion d’héritage. Car in fine, il s’agit bien d’utiliser un événement sportif pour autre chose que le sport.

Ainsi, dans les différents plans héritage, apparaissent « la fin du plastique à usage unique », « l’accessibilité des gares en surface », ou « l’adaptation au dérèglement climatique » dont le lien direct avec les Jeux ne semble pas évident.

En même temps, des discours sont tenus par l’ensemble des parties prenantes parce que rien n’est plus fort que « le rayonnement et la fierté » que les Jeux vont redonner à la France. En une phrase condensée, cela donne : « Les Jeux seront un événement populaire, autofinancés, et qui laisseront une empreinte durable sur et pour toute la société ». 

Polémique sur le prix des billets »

Ainsi, il a été dit que les Jeux seraient populaires et tout le monde a naturellement compris qu’ils bénéficieraient à tous et favoriseraient le vivre-ensemble. Même si rien n’est joué ici, la polémique autour des prix des billets pour assister aux épreuves et la relative indifférence des habitants de Seine-Saint-Denis, relayée par les médias, n’incitent guère à l’optimisme, à date.

D’ailleurs, les Jeux Olympiques, sorte de super-Championnats du monde organisés en même temps sur un même territoire, sont-ils des événements populaires, alors que les finales internationales dans la plupart des sports sont réservées financièrement à une élite ? Personne ne s’émeut du fait qu’aucune place pour la finale de la Ligue des champions ou de Roland-Garros ne soit proposée à moins de 40 euros. Mais parce qu’il a été promis des « Jeux populaires », la polémique enfle. Avec un impératif de recettes fixé à 1 400 millions euros, quelle autre politique tarifaire envisagée ? Le souci n’est pas le prix du billet, mais la promesse vendue, intenable par nature.

« Les Jeux méritent mieux que de contribuer au discours démagogique anti-impôt et anti-dépenses publiques »

Brésiliens et Japonais payent encore les Jeux d’été organisés en 2016 et 2021 »

Un slogan, répété ad nauseam, résume mieux que tout l’opération de communication publique dont fait l’objet Paris 2024, celui selon lequel « Il n’y aura pas d’impôt JO. Les Jeux doivent financer les Jeux. » C’est faux et les Jeux méritent mieux que de contribuer au discours démagogique anti-impôt et anti-dépenses publiques, déjà largement trop répandu. Si la Cour des comptes, en début d’année, a estimé qu’il était impossible à date de connaître la participation financière exacte de l’État, au regard des nombreuses inconnues qui demeurent, son premier président, Pierre Moscovici, a tout de même avancé un engagement des finances publiques pouvant atteindre trois milliards d’euros (déclaration à l’Assemblée nationale, le 10/01/2023). Bien entendu, cette participation publique opère à différents niveaux, via la SOLIDEO SOciété de LIvraison DEs jeux Olympiques et paralympiques Paris 2024 , le COJOP Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. , ou directement. Plutôt que de l’assumer et de s’en réjouir, les supporters de Paris 2024 préfèrent tenir un discours déjà démenti dans les faits, alors que les contribuables brésiliens et japonais payent encore les Jeux d’été organisés sur leur territoire, en 2016 et 2021.

Argent, or et bronze (de g. à dr.), les médailles des Jeux de Tokyo 2020 - ©  CIO
À date, malgré les interrogations, personne ne peut dire que les Jeux seront déficitaires et tout le monde espère que la France parviendra ainsi à rompre la malédiction financière qui frappe les pays hôtes depuis plus de 30 ans maintenant. Alors que la plupart des projets d’aménagement, et Paris 2024 en est assurément un, voient leur coût financier exploser dans la dernière ligne droite, surtout dans un calendrier contraint, les Jeux seraient les seuls au monde à ne connaître aucun dépassement financier ni dérapage budgétaire ! Tenir de tels propos, qui risquent d’aller à l’encontre de la réalité que les Français vont avoir à affronter, ne semble pas une stratégie de bon augure.

« Les premiers Jeux à s’inscrire dans le cadre des accords de Paris pour le climat »

Évidemment, l’urgence écologique a également fait l’objet d’un traitement particulier avec des engagements forts pris par l’ensemble des parties prenantes. La tenue des Jeux doit « rendre la France plus écologique » puisqu’il s’agit de tenir « les premiers Jeux durables et respectueux de l’environnement ». Alors que, par nature, comme le pointe l’ONG Carbon Market Watch, « l’événement lui-même génère des gaz à effet de serre qui sont néfastes pour le climat et le soutien financier apporté par les organisateurs à des projets extérieurs n’y change rien », il est promis que les Jeux 2024 seront « les premiers à s’inscrire dans le cadre des accords de Paris pour le climat » (adoptés le 12/12/2015 dans le cadre de la COP 21).

De l’ambitieuse “excellence environnementale” à la plus réaliste “transformation environnementale”  »

D’ailleurs, le COJOP a réalisé que ses engagements pourraient lui être reprochés. Il est ainsi passé dans sa comitologie de l’ambitieuse « excellence environnementale » à la plus réaliste « transformation environnementale » et promet d’avoir « fait tous les efforts pour réduire, réduire, réduire » l’impact environnemental, mais « dans la limite de ce qui est techniquement possible ».

Pour autant, que constatent de leur côté les défenseurs de l’environnement ? 

Dans un premier temps, afin de tenir le calendrier des Jeux Olympiques, l’État a fait adopter, avec le soutien des collectivités territoriales, un certain nombre de dispositions dérogatoires au cadre général, pour accélérer la réalisation des constructions et installations nécessaires qui allègent les obligations environnementales.

Ouvrons grand les Jeux : « bâtir un héritage durable en Seine-Saint-Denis » - ©  Paris 2024
Dans un second temps, de nombreux projets en lien direct ou indirect avec la tenue des Jeux créent la polémique :

  • à Saint-Denis, autour du groupe scolaire Pleyel Anatole France, avec le projet de diffuseur autoroutier qui inquiète pour la santé des enfants et du personnel éducatif ;
  • à Aubervilliers, où le projet de piscine olympique entraîne le déplacement des jardins ouvriers autour du Fort d’Aubervilliers ;
  • à Dugny, où le projet de Village des médias comporte la profonde transformation de l’Aire des Vents.

Pourtant, des solutions existent pour des Jeux plus respectueux de l’environnement. Trois actions notamment sont régulièrement mises en exergue :

  • 1.- Réduire considérablement la taille de l’événement ;
  • 2.- Alterner les Jeux entre les mêmes villes ;
  • 3.- Mettre en place des normes de durabilité indépendantes.

Si les deuxième et troisième leviers ne dépendent pas des organisateurs de Paris 2024, la taille de l’événement n’a pas été particulièrement réduite, comme en atteste l’ambition affichée pour les cérémonies d’ouverture, qui se dérouleront pour la première fois hors des stades.

« Un cheval de Troie pour des mesures sécuritaires »

Comme l’ont justement pointé de nombreuses organisations, la sécurité de Paris 2024 a été mise en avant pour avancer sur de nombreuses dispositions législatives sans que le rapport direct avec la bonne tenue des Jeux ne soit évident.

C’est une constante dans l’histoire des Jeux Olympiques : l’événement est un cheval de Troie pour avancer sur des dispositions techniques sécuritaires qui remettent en cause les libertés publiques et dont l’efficacité fait débat. Aussi, il était logique qu’après le fiasco de la finale de la Ligue des champions 2022, organisée au Stade de France (Liverpool FC Activité : club de football professionnel anglais Partenaires principal : • Standard Chartered (banque) : sponsor maillot principal, depuis 2010-11, jusqu’en 2026-27, 30 M£ en 2018-19, 40 M£ par… - Real Madrid CF Activité : club de football professionnel espagnol Partenaires majeurs : • Emirates (compagnie aérienne) : sponsor maillot principal, 2013-2026, pour 70 M€ / saison (+7 M€ de bonus en fonction… , 0-1, le 28/05/2022), l’arsenal sécuritaire connaisse une inflation normative.

Cela n’a pas manqué avec l’adoption de la loi relative « aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions » (loi du 19/05/2023). Plusieurs dispositions présentées afin d’assurer la protection des spectateurs comme des athlètes sont appelées à durer bien au-delà des Jeux.

Le célèbre “effet cliquet”  »

Comme l’expliquait justement la « Quadrature du net », association de défense et de promotion des droits et libertés sur Internet (le 02/03/2023), « c’est le célèbre effet cliquet : un événement exceptionnel justifie des mesures exceptionnelles qui ne seront jamais remises en cause par la suite ».

Une disposition concentre notamment les critiques, à savoir l’article 7 qui prévoit le déploiement de la vidéosurveillance augmentée. Il s’agit, selon la Commission nationale informatique et libertés (CNIL Commission nationale de l’informatique et des libertés ), d’un « dispositif vidéo qui associe des traitements algorithmiques mis en œuvre par des logiciels, permettant une analyse automatique, en temps réel et en continu, des images captées par la caméra ».

Celui-ci a déjà fait l’objet de plusieurs tentatives de mises en place par des collectivités auxquelles la CNIL s’est régulièrement opposée. Aucun État de l’Union européenne avant la France ne l’avait mise en place. Si plusieurs associations discutent de son efficacité, cette disposition censée être temporaire sera appelée à durer. Comment imaginer qu’il puisse en être autrement, au regard des investissements consentis et des formations dispensées aux milliers d’agents de sécurité et de police ?

D’autres dispositions, telles que l’extension des enquêtes de criblage ou le recours à des scanners corporels à l’entrée des stades, laissent à penser que l’événement sportif est vu comme une opportunité pour toute une série d’acteurs d’étendre leur activité et leur influence.

« Les acteurs privés, experts en sportwashing »

Dresser cet aperçu du sportwashing dont fait l’objet Paris 2024 sans traiter le secteur privé serait pour le moins étonnant, tant celui-ci est devenu expert, depuis des années, en recours aux valeurs du sports comme outil de changement réputationnel.

ArcelorMittal, « partenaire officiel », fabrique les torches olympiques et paralympiques de Paris 2024 - ©  Paris 2024
Il suffit de s’arrêter sur quelques partenaires du CIO pour voir que le sport sert avant tout à polir une image : c’est Airbnb qui a trouvé un moyen de s’imposer dans les villes où l’événement se déroule, même si la collectivité tente de lutter contre les effets des locations temporaires, en bénéficiant de l’ombrelle dérogatoire du CIO ; c’est Toyota qui devient le premier constructeur automobile à bénéficier des anneaux olympiques et de leur symbolique, tout en faisant l’objet d’amendes du fait de ses pratiques environnementales et financières.

Pour Paris 2024, sans parler des acteurs du lobby sécuritaire, ultra actifs pour imposer les nouvelles normes évoquées précédemment, l’engagement de partenaires tel qu’ArcelorMittal montre que les spécialistes du greenwashing seront actifs pendant l’événement (Arcelor, dont les condamnations pour pollution ou discriminations font l’actualité judiciaire, ces dernières années, revendique de partager les valeurs des Jeux : « l’effort et le dépassement de soi, l’inclusion et la diversité, et la recherche du net zéro ».

Est-ce à dire que Paris 2024 devrait faire valider l’ensemble des partenaires par une commission éthique composée magiquement par des personnes représentant toutes les figures morales et éthiques ? Évidemment pas ! Pour autant, il n’est pas souhaitable de passer sous silence ces actions qui contribuent au sportwashing.

Surtout, à l’approche de l’événement, et même pendant, nombreuses seront les entreprises à vanter leurs actions pour « favoriser la pratique sportive de leurs collaborateurs, « soutenir les manifestations sportives et les athlètes » ou « garantir une planète plus durable » dans une logique d’ambush marketing Les pratiques d’ambush marketing consistent pour une marque à « parasiter » un événement profitant d’une forte exposition médiatique, comme par exemple un grand événement sportif, sans en être un… dont Paris 2024 sera, malgré lui, l’objet.

Pointer cela, ce n’est pas jeter l’opprobre sur Paris 2024 et l’ensemble de ses acteurs, mais souligner la dichotomie entre, d’une part, les nobles idéaux véhiculés par les Jeux Olympiques et le sport et, d’autre part, les pratiques réelles dont ceux-ci font l’objet, depuis la nuit des temps. Parce que par nature, plus que par volonté, les Jeux ne peuvent pas être « parfaits ». Ils sont trop gros. Ils sont trop chers. Ils sont trop puissants.

Faire peser sur le sport l’exemplarité attendue par le monde entier n’est pas lui rendre service »

Faire peser sur le sport l’exemplarité attendue par le monde entier n’est pas lui rendre service. Si telle était réellement la volonté des organisateurs du sport - et reconnaissons que cela dépasse largement le cadre de Paris 2024 -, c’est une réforme complète des Jeux Olympiques qu’il faudrait proposer.

Il faut, à ce stade, être clair : le COJOP, les Pouvoirs publics, les collectivités territoriales, les acteurs privés ne sont pas des maléfiques experts qui attendaient la tenue des Jeux à Paris pour avancer leurs projets malfaisants. Au contraire, la plupart sont engagés dans une démarche sincère en faveur du sport et de ses valeurs. Mais c’est la nature même d’un événement d’une telle ampleur que de charrier son lot de désagréments - doux euphémisme.

Au lieu de gérer cette complexité, les apologistes de Paris 2024 entrent trop souvent dans le triptyque largement connu en politique publique « négation / minoration / éjection » ou, en français courant : « ce n’est pas vrai », puis « ce n’est pas grave », et enfin « ce n’est pas ma faute ».

Les ambitions de Paris 2024 en matière d'emploi, d'éducation, de santé et d'inclusion - ©  Paris 2024

Aujourd’hui, face à une opinion publique qui commence à se mobiliser, la phase de minoration a commencé. Les sujets soulevés sont rangés dans la case « désagréments ». C’est une opportunité manquée pour le débat public. Le sport et les Jeux méritent mieux.

Un an avant l’ouverture des Jeux, les organisateurs sont légitimement concentrés sur l’agencement pratique de l’événement sportif, ainsi que son succès populaire et commercial. Pour être fidèles aux valeurs qu’ils revendiquent, il leur faut respecter les contraintes budgétaires qu’ils se sont fixées, ainsi que l’ensemble des procédures garantissant une transparence et une éthique, leviers indispensables pour assurer la confiance et le soutien populaire.

Idéalement, ils pourraient aussi tenir un discours de vérité sur ce qu’est l’économie et la logique d’un « méga event » sans s’abriter derrière une prolixité verbale pour nier ses effets néfastes.

Enfin, s’ils veulent faire œuvre utile pour les prochaines éditions, dans une logique de retour d’expérience, ils pourraient aussi contribuer à repenser les Jeux olympiques, leur économie générale comme leur organisation.

Pourquoi ne pas retenir des sites uniques pour certaines épreuves, comme le proposent déjà certains membres du CIO ? Pourquoi ne pas fixer le nombre de spectateurs, limitant de facto les déplacements ? Bien sûr, cela reviendrait à remettre en cause le modèle du CIO, voire plus largement le modèle d’organisation du sport dans sa globalité. Certains y travaillent déjà, avec plus ou moins bon goût.

Pour un langage de vérité »

Mais le débat est lancé et il aura lieu, « poussé » inexorablement par la crise climatique. Si la France, plutôt que de se prêter au jeu du sportwashing, pouvait tenir un langage de vérité sur l’impact réel de la tenue d’un événement tel que les Jeux Olympiques, elle renouerait ainsi avec sa place de précurseur dans l’organisation du sport mondial.

David Roizen, expert associé au sein de la Fondation Jean-Jaurès

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Fondation Jean-Jaurès

David Roizen


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Directeur associé
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Directeur Associé
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Chef de cabinet
Mairie d’Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine)
Directeur de cabinet

Fiche n° 49708, créée le 30/07/2023 à 15:46 - MàJ le 30/07/2023 à 16:36


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