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ExclusifUnistra : « Notre offre de formation en management du sport s’adapte à l’employabilité » (L. Pichot)

News Tank Sport - Strasbourg - Entretien n°272052 - Publié le 28/11/2022 à 17:00
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Lilian Pichot - ©  D.R.

« Notre programme de formation suit la courbe des données sur l’emploi. En travaillant beaucoup en amont sur l’employabilité, nous savons adapter notre offre », déclare Lilian Pichot Enseignant chercheur en sociologie et management du sport @ Université de Strasbourg (Unistra)
, maître de conférences HDR Habilitation à diriger des recherches. Plus haute qualification universitaire, diplôme national de l’enseignement supérieur qu’il est possible d’obtenir après un doctorat. à l’Université de Strasbourg (Unistra), à News Tank, le 14/11/2022.

Unistra propose plusieurs formations en management du sport avec trois masters - « marketing du sport », « sport et aménagement du territoire » et « wellness management » - et une licence professionnelle « commercialisation des produits et services sportifs. »

« Un des axes de recherche de notre laboratoire est d’effectuer un suivi de tous nos étudiants pour savoir ce qu’ils font et où. Nos études d’insertion immédiate, un an après l’obtention des diplômes, montrent que 65 % travaillent dans le sport. Sur du plus long terme (étude menée depuis 2008 sur 15 promotions), on tombe à 55 %. »

« Si on regarde les données de la structure des emplois dans les branches professionnelles en France, et en particulier celles de la convention collective nationale du sport qui concerne l’ensemble des clubs sportifs et des fédérations sportives, on remarque que la part des cadres est de 8 % alors que la moyenne nationale est de 20 %. Je dis souvent à mes étudiants qui rêvent des clubs professionnels que ce n’est pas là qu’il y a le plus d’emplois. Ni dans la plupart des fédérations. La distribution et l’industrie sont nos principaux débouchés », indique Lilian Pichot Enseignant chercheur en sociologie et management du sport @ Université de Strasbourg (Unistra)
, qui répond aux questions de News Tank.


• Toute l'équipe de News Tank Football / News Tank Sport s’est rendue à Strasbourg, chef-lieu de la Collectivité européenne d’Alsace (CeA) qui réunit les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, en novembre 2022 pour y rencontrer les principaux acteurs de l'écosystème local du sport.

• Collectivités, instances sportives, clubs, équipementier, université, école de management, etc. : une dizaine d’entretiens vont être publiés sur le thème du sport à Strasbourg et en Alsace.

• News Tank renouvellera cette initiative dans d’autres grandes villes de sport afin de proposer un focus sur les défis que doivent relever les organisations sportives qui y évoluent.

« Dans l’industrie du sport, il y a six postes de commerciaux pour un poste en marketing. L’entrée sur le marché de l’emploi se fait essentiellement par la vente, le commerce » (L. Pichot)

Quels sont les grands axes de la pédagogie de l’Université de Strasbourg en matière de « management du sport » ?

Cette filière « management du sport » est dirigée par Julien Pierre, maître de conférences, qui est aussi le responsable du master « wellness ». Outre les trois masters, il y a aussi une licence professionnelle « commercialisation des produits et services sportifs » très spécialisée sur le retail, la distribution sportive et les marques de sport. Cette licence a été créée en 2012 et nous avons une insertion professionnelle immédiate dans le champ professionnel visé au-delà de 80 %.

Un taux d’insertion professionnelle immédiate au-delà de 80 % »

Le master le plus ancien créé en 1993 est celui du marketing du sport dont je m’occupe. Le master « sport et aménagement du territoire » existe depuis 2015 et s’est positionné sur l’aménagement de la ville par le sport et les politiques sportives publiques. Enfin, il y a le master « wellness management » qui a un positionnement de niche sur le bien-être par les activités physiques et sportives, dans l’hôtellerie de luxe, le tourisme de plein air et le loisir sportif. Cette formation est la seule proposée en apprentissage via une formule d’alternance avec 15 jours de cours et six semaines en entreprise. Les deux premiers masters sont en formation initiale avec deux stages longs de 4 à 6 mois.

Il ne faut pas penser qu’en dehors de l’apprentissage, les autres formats seraient obsolètes »

En master 1, il y a un tronc commun de 20 % sur de l’anglais fondamental et sur l’économie du sport nationale et internationale. Nous accordons une forte importance à la spécificité dès la première année. En master 2, 50 % de nos cours sont faits en anglais car les marques avec lesquelles nous travaillons ont toutes des développements à l’international.

La formule en formation initiale avec stages longs a fait ses preuves et continue de bien fonctionner en termes d’insertion professionnelle. Il ne faut pas penser qu’en dehors de l’apprentissage, les autres formats seraient obsolètes.

Promo 2022-23 du master en management du sport d'Unistra - ©  Unistra

Quelles sont vos relations avec le monde économique ?

Sur le master « wellness », Julien Pierre, qui en a été à l’origine, a créé un réseau de partenaires à l’échelle nationale lors de son étude de marché. Il est en contact avec une trentaine d’hôtels-spas en Alsace mais cela va au-delà de notre territoire grâce aux contacts noués notamment avec les syndicats professionnels de la branche.

Concernant le master « sport et aménagement du territoire », Michel Koebel et William Gasparini, les co-responsables, ont développé un réseau de partenaires autour de l’écosystème des acteurs institutionnels territoriaux comme le CNFPT (Centre National de la Fonction Publique Territoriale), l’ANDISS (Association Nationale des Directeurs et des Intervenants d’installations et des services des sports) ou encore l’INET (Institut National des Etudes Territoriales) qui profite aux diplômés.

Le master « marketing du sport » bénéficie de son histoire avec un réseau de plus de 800 anciens diplômés »

Le master « marketing du sport » bénéficie, lui, de son histoire avec un réseau de plus de 800 anciens diplômés. On travaille via un groupe LinkedIn fermé de 570 membres qui sont nos diplômés depuis 1994, où circulent des offres d’emplois et de stages. Nous avons aussi des partenariats de longue date avec adidas, Puma et Decathlon. Ces trois entreprises sont les plus gros employeurs du master. Ces partenariats ne sont pas contractuels.

L'Université de Strasbourg - ©  Unistra

Quid de l’employabilité de vos étudiants ?

Il faut savoir qu’une partie de nos diplômés (environ un tiers) ne travaillent pas dans le monde du sport. Il faut être clair là-dessus. Même si certains n’aiment pas trop révéler cette statistique, il faut savoir qu’il y a beaucoup trop de diplômés dans le management du sport à l’échelle de la France par rapport à l’offre d’emplois. J’ai pris la responsabilité du master « marketing du sport » en 2018. Nous avons accentué à cette date le positionnement sur les fonctions marketing et commerciale du cursus, en priorité sur les produits sportifs car c’est là où il y a le plus de débouchés à un niveau cadre.

Beaucoup trop de diplômés dans le management du sport à l’échelle de la France par rapport à l’offre d’emplois »

J’ai eu le cas d’un étudiant qui devait arbitrer entre plusieurs offres pour un job de commercial. Les mieux-disants étaient des marques de grande consommation comme Danone ou Mars, où la mission n’était pas en lien avec le sport. Certains étudiants vont privilégier la grande distribution alimentaire. C’est un choix voulu et non subi car leur niveau de rémunération va être plus élevé que dans le sport. Il faut tenir compte de la réalité économique de ces grandes marques où le salaire peut être supérieur de 500 euros par mois.

Un an après l’obtention d’un de nos diplômes, 65 % de nos ex-étudiants travaillent dans le sport »

Un des axes de recherche de notre laboratoire à l’Université de Strasbourg est d’effectuer un suivi de tous nos étudiants pour savoir ce qu’ils font et où. Nos études d’insertion immédiate, un an après l’obtention des diplômes, montrent que 65 % travaillent dans le sport. Sur du plus long terme (étude menée depuis 2008 sur 15 promotions), on tombe à 55 %.

A quoi est-ce dû selon vous ?

Si on regarde les données de la structure des emplois dans les branches professionnelles en France, et en particulier celles de la convention collective nationale du sport qui concerne l’ensemble des clubs sportifs et des fédérations sportives, on remarque que la part des cadres est de 8 % alors que la moyenne nationale est de 20 %.

Je dis souvent à mes étudiants qui rêvent des clubs pros que ce n’est pas là qu’il y a le plus d’emplois. Ni dans la plupart des fédérations. Il y en a certaines qui essayent de tirer vers le haut le niveau de leur recrutement comme la Fédération de Tennis de Table, présidée par Gilles Erb qui a été directeur de la faculté des sciences du sport ici même.

La distribution et l’industrie sont nos principaux débouchés. Dans la distribution sportive, la proportion de cadres est de 15 %. Dans l’industrie, le taux est de 24 % mais sur un effectif salarié de seulement 4 400 personnes.

Il faut être très attentif aux contenus des formations et aux effectifs »

Il faut donc être très attentif aux contenus des formations et aux effectifs. Dans le cadre du master où il y a encore une sélection à l’entrée, nous sommes passés de 30 à 20 étudiants. Ce choix était indispensable et logique pour offrir des débouchés qualitatifs en termes de postes de cadres. Chaque master a un effectif de presque 20 étudiants par niveau. Nous avons 60 étudiants en licence « management du sport. »

Le nombre de candidats a lui aussi baissé car il y a aujourd’hui une offre pléthorique sur le marché avec les anciennes écoles de commerce généralistes et les nouveaux réseaux qui émergent profitant de l’effet d’aubaine de la prime de 8 000 euros sur les apprentis. Leur modèle économique est basé sur l’entrée en formation d’un maximum d’étudiants, sans porter un réel intérêt à la qualité de l’insertion professionnelle ensuite.

Quelle incidence sur le contenu des programmes ?

Il faut s’adapter en permanence. Mais il y a des constantes. Dans l’industrie du sport par exemple, il y a six postes de commerciaux pour un poste en marketing. L’entrée sur le marché de l’emploi se fait essentiellement par la vente, le commerce. Beaucoup d’étudiants ont peur du commercial et des ses contraintes. Il faut atteindre des objectifs, faire du reporting, être sur la route, passer des nuits à l’hôtel, aller chez les distributeurs avec lesquels il faut se bagarrer. Si en plus ils travaillent pour une marque challenger c’est plus difficile, il faut faire sa place. La réalité est là.

Nous sommes très proches des employeurs et de leurs problématiques, donc très réactifs et agiles »

Notre programme de formation suit la courbe des données sur l’emploi avec le management des unités commerciales, les techniques de vente. Celui qui sera fort en vente sera d’autant plus fort dans le marketing. A titre d’exemple, nous avons des anciens étudiants qui font de très belles carrières comme Jérôme Lévèque, directeur commercial d’adidas pour toute l’Amérique du sud, Maxime Lefeuvre, directeur de la filiale France d’Hummel, ou Antoine Chouissa, directeur général de BDE Sports qui commercialise les marques Yonex, Craft, Molten, etc.

En travaillant beaucoup en amont sur l’employabilité, nous savons adapter notre offre de formation. Nous développons des profils de content manager, key account manager, merchandiser, assistant chef de produit. Nous renforçons notre formation sur le sales management avec des intervenants de haut niveau comme Alexandra Welsch, directrice commerciale de Puma, qui fait un focus sur la stratégie de distribution de la marque. Nous avons aussi intégré l’ecommerce et le webmarketing.

Le nouveau siège social de Puma France à Strasbourg - ©  Puma

Ce travail, nous le faisons en équipe avec l’ensemble de mes collègues comme Julien Pierre, Michel Koebel qui gère le Master « sport et aménagement du territoire » et Sarah Mischler qui s’occupe de la Licence 3 en management. Nous sommes très proches des employeurs et de leurs problématiques, donc très réactifs et agiles.

Comment voyez-vous l’évolution du marché du sport ?

Le sport-santé est une thématique très forte qui n’est pas forcément nouvelle et qui parfois peut devenir un outil marketing. En France il faut savoir que quoi que vous fassiez, compte tenu de la démographie sportive, il y aura toujours un taux quasi incompressible de population non pratiquante de l’ordre de 25 %.

La consommation de biens sportifs, même en période de crise et de pouvoir d’achat en baisse, reste tonique. La période covid a généré des achats de chaussures, accessoires, textiles, etc. le marché est renforcé par le segment du lifestyle/sportwear qui a permis à de nombreuses marques de trouver de la croissance comme par exemple Hummel qui a intensifié son positionnement sur ce segment depuis 2019. La consommation de spectacle sportif de façon directe ou indirecte reste bonne.

Les fédérations ont intérêt à développer des services pour faire découvrir des activités et proposer une offre ludique »

Reste la question du service sportif. Les fédérations sont à un tournant. Elles ont une offre de pratique sportive très standardisée fondée historiquement sur la compétition sportive amateure qui intéresse moins les publics. Leur intérêt est de développer un ensemble de services pour faire découvrir des activités et proposer une offre ludique. Il faut intégrer la notion de jeu. Une partie de l’avenir du sport va se jouer sur la santé et la capacité à encadrer la diversité des pratiquants, l’autre va se jouer sur le ludique. Les bases de sport et loisirs avec des plans d’eau ont un beau succès par exemple, car y sont proposées des activités de détente, de découverte, de pratiques douces.

Le gros point noir du sport français est l’encadrement »

Le gros point noir du sport français est l’encadrement. En exagérant à peine on peut dire que presque n’importe qui peut encadrer de l’activité physique. Les fédérations sous la tutelle du ministère des Sports et des JOP Jeux Olympiques et Paralympiques ont cautionné des formations et délivré des diplômes avec seulement quelques heures de formation comme avec les certificats de qualification professionnelle (CQP Animateur Loisir Sportif). Il y a derrière, un déficit de compétence et de qualification pour développer des services sportifs adaptés aux différents profils et aux besoins des pratiquants. C’est une vraie incertitude sur notre capacité à offrir un service à la pratique digne de ce nom. Il existe de bonnes idées innovantes sur des nouvelles pratiques plus simples et ludiques, encore faut-il avoir les bons encadrants pour les mettre en œuvre.

Campus central de l'Université de Strasbourg - ©  D.R.

Les très grosses fédérations ne se sont pas encore adaptées pour recevoir une grande diversité de publics. Ils sont sur des modèles standards où les encadrants sont formatés techniquement pour faire progresser des jeunes sur des logiques de compétition. Nous devons aussi nous interroger sur le modèle économique du club de demain. C’est peut-être un club où on accueille des jeunes en leur donnant des espaces de vie, pour être ensemble, faire de l’accompagnement scolaire, etc.

Il faut impacter les coûts réels de fonctionnement et d’investissement sur la cotisation du pratiquant »

Si on compare la part des dépenses des ménages en France sur l’ensemble des dépenses sportives avec celles du Royaume-Uni ou de l’Allemagne, on est en France à 50 % contre 80 % dans les deux autres pays. J’ai souvent dit aux présidents de clubs que je côtoie, que ce soit dans le football ou le tennis, que leurs cotisations étaient trop faibles. Selon moi, il faut impacter les coûts réels de fonctionnement et d’investissement sur la cotisation du pratiquant. Sinon ça n’a pas de sens. Il y a un vrai problème sur le modèle économique associatif. Si on veut des encadrants de qualité, il faut des professionnels qualifiés, les recruter, les salarier et les payer à hauteur de leurs compétences. A partir de là, l’adhérent du club doit être, comme les sponsors, une véritable source de financement.

Le modèle économique des salles privées de sport, que ce soit le fitness ou l’escalade par exemple, restera fragile tant qu’elles n’auront pas intégré des centres de profit à leur offre. L’offre de restauration intégrée à ces structures reste une valeur sûre et constitue une piste de travail pour les prestataires de services qui ne l’ont pas encore adoptée.

Lilian Pichot


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Université de Strasbourg (Unistra)
Enseignant chercheur en sociologie et management du sport

Fiche n° 47914, créée le 28/11/2022 à 09:31 - MàJ le 28/11/2022 à 15:04

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